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paroisse Saint Bruno des Chartreux - diocèse de Troyes

foi, prière et sauvegarde de la Création à st Bruno - prédication de Mgr Stenger

1 Septembre 2015, 15:54pm

Publié par nicolas derrey

foi, prière et sauvegarde de la Création à st Bruno - prédication de Mgr Stenger

Soirée de prière pour la sauvegarde

de la création

Saint Bruno

1er septembre 2015

Le pape François a demandé que le 1er septembre soit une journée mondiale de prière pour la Sauvegarde de la Création.

Si le pape à la suite du patriarche œcuménique et avec le patriarche œcuménique nous appelle à cette prière, c’est pour que nous remplacions l’angoisse par l’espérance, la résignation devant l’état de la planète par l’engagement.

Il ne faut pas se voiler la face. Le réchauffement climatique entraîne des catastrophes naturelles. Des populations sont englouties sous les eaux, parce que les eaux montent des terres disparaissent et des réfugiés sont jetés dans la grande aventure de se trouver un gite.

Nous le savons de plus en plus, ce dérèglement cosmique est le fruit du comportement humain. Depuis longtemps, depuis l’avènement du monde marchand, l’appât de l’argent conjugué au progrès de la science a fait naître une industrie qui est moins au service de l’homme qu’à celui du fonctionnement d’un système injuste.

La concurrence fait naître sans cesse des besoins nouveaux qui permettent d’ouvrir des marchés et conduisent à ce que les plus forts s’enrichissent au détriment des moins riches. L’inégalité entre les humains s’accroit au fur et à mesure que la nature se dégrade. La fabrication des produits requiert l’utilisation d’énergies fossiles, gaz, pétrole, charbon, qui dégagent un gaz aggravant sur l’atmosphère. La mise sur le marché de ces produits accroit l’écart entre les hommes. Il y a ceux qui peuvent se les payer et ceux qui ne peuvent pas.

Notre époque plus qu’une autre est en situation de comprendre les propos de Jésus. Le regard plein de tendresse qu’il porte sur les oiseaux du ciel ou sur l’herbe des champs est inséparable de sa distance par rapport à l’argent. Faire passer l’argent avant ce que cet Evangile appelle « le Royaume de Dieu et sa justice » ne peut qu’abimer le don de Dieu qui est gratuit. L’Evangile nous invite à regarder le monde avec le regard de Jésus. Le cosmos dont nous faisons partie, cette création pour laquelle nous prions ce soir, nous est donné à lire comme un message ; il est poème aux yeux de la Bible. Dans le livre de la Genèse, il est dit « Que l’oiseau vole au-dessus de la terre », « que la terre se couvre de verdure, d’herbe qui rend féconde sa semence ». Jésus à coup sûr entend ces paroles attribuées au Créateur, dans le livre de la Genèse au moment où il contemple le paysage de Galilée. Alors il dit avec le psalmiste : « Les cieux racontent la gloire de Dieu ». Alors il se tourne vers ses auditeurs pour leur déclarer : « Heureux ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre : heureux serions-nous si nous savions recevoir le don de Dieu ».

On pourra penser que les paroles de Jésus pour poétiques qu’elles soient sont bien utopiques. Ne dites pas qu’allons-nous manger ou bien qu’allons-nous boire, ou encore : avec quoi nous habiller ? Nous considérons cela comme de l’utopie mais peut-être Jésus est-il plus réaliste qu’il n’y parait. Le souci de l’habillement par exemple est tel aujourd’hui qu’il donne matière à une publicité assez scandaleuse dans les pays riches. Pour faire vendre les produits qu’il fabrique, le monde dépense chaque année 400 milliards de dollars en publicité. Il en faudrait dix fois moins pour éradiquer la faim dans le monde.

Qu’allons-nous manger ? C’est une question qui ne se poserait pas si l’humanité ne s’était pas laissée aller à un développement insensé. Plus un pays se développe industriellement, plus sa nourriture se modifie. Avant que la Chine ne connaisse la croissance d’aujourd’hui, chaque habitant consommait 15 kilos de viande par an. En 2010 il en consommait quatre fois plus. La raison ne serait-elle pas entre les deux ? D’autant plus que cette escalade modifie notre rapport avec la nature que Jésus nous invite à admirer. Pour accroitre la productivité, on nourrit les animaux avec des céréales, comme le soja et le maïs dont la culture efface l’herbe des champs et qui donne matière à spéculation boursière.

Devant cette évolution l’angoisse commence à saisir l’humanité. Quel contraste avec les années 60. A cette époque, le P. Teilhard de Chardin pouvait développer l’optimisme pour une humanité qui voyait se déployer des énergies qu’elle considérait comme un progrès. Aujourd’hui le temps des illusions de progrès infini est révolu.

Mais est-ce une raison pour désespérer ? Un chrétien ne peut pas désespérer. L’espérance colle à sa foi. Quelles sont les raisons que nous avons d’espérer ? C’est le même Teilhard de Chardin qui nous les donne, se fondant sur le Christ. Il voit l’humanité s’orienter vers un point de convergence : chaque homme prend conscience de ce qu’il a à faire pour arrêter le cours fatal de l’histoire et toutes les consciences, c’est ce que nous dit le pape François dans l’encyclique ; sont appelées à se réunir les unes avec les autres pour découvrir ce qu’il y a de commun à tous. Nous chrétiens nous croyons que c’est le Royaume de Dieu et sa justice.

Prions pour qu’advienne ce moment où les peuples, les nations et les personnes se tournent les uns vers les autres sans calculer le profit qu’ils pourront tirer de la rencontre de l’autre, mais en vivant dans cette gratuité de l’amour de Dieu que Jésus a su déceler dans les collines verdoyantes de Palestine et qui nous est offerte tout autour de nous.

Ce message nous permet de rejoindre l’humanité dans sa peine. Cela signifie bien sûr que nous savons vivre dans la modération, en ne nous laissant pas détourner par le profit. Puissent se lever au milieu de nous des hommes et des femmes qui sauront faire en sorte que les possibilités de communication extraordinaires que nous connaissons aujourd’hui se transforment en réel amour des uns pour les autres. Puisse venir l’heure où d’un bout à l’autre de la planète, hommes et femmes désirent se rencontrer non pour arracher des marchés mais pour donner et recevoir sans souci du lendemain, dans la joie de vivre. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture ?

+Marc STENGER

Evêque de Troyes

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